Source: Médecins sans frontières (MSF) |

MSF : La réponse au VIH en Afrique de l’Ouest et centrale ne réussira pas si les principaux éléments de blocage restent sans réponse

MSF est témoin de la réticence des autorités sanitaires, des gouvernements et des partenaires internationaux de mise en œuvre à impliquer la société civile et les communautés dans la prestation de services, le dépistage et le soutien à l’adhérence, ainsi que dans des activités de lutte contre la stigmatisation et de surveillance des services

Le faible taux de prévalence dans les 25 pays de la région, allant de 1 à 5%, a entrainé une moindre attention et moins d’investissement dans la réponse au VIH dans la zone

GENEVA, Suisse, 3 juillet 2017/APO/ --

Les chefs d’Etat et de gouvernement africains se réunissent aujourd’hui, durant le 29ème sommet de l’Union Africaine à Addis Abeba, pour endosser le plan d’urgence, une initiative lancée par ONUSIDA pour accélérer l’accès aux traitements antirétroviraux en Afrique de l’Ouest et centrale. A cette occasion, l’organisation médicale humanitaire internationale Médecins Sans Frontières (MSF) réitère son appel pour une feuille de route claire, ainsi qu’un engagement politique et financier de la part de l’ensemble des acteurs internationaux et des gouvernements concernés, afin d’éliminer les obstacles persistant  (liés aux politiques de santé en place, au financement et au système de santé) et de mettre en place des stratégies efficaces permettant d’accélérer l’accès au traitement pour 4,7 millions de personnes vivant avec le VIH sans accès aux thérapies antirétrovirales (TAR).

Le faible taux de prévalence dans les 25 pays de la région, allant de 1 à 5%, a entrainé une moindre attention et moins d’investissement dans la réponse au VIH dans la zone. Dans la région pourtant, seulement 28% de la population et 20% des enfants vivant avec le VIH ont accès aux TAR, avec pour conséquence un taux de mortalité élevé et les nouvelles infections au VIH  dépassant toujours les mises sous TAR.

Le rapport de MSF « Le prix de l’oubli », lancé en avril 2016 a identifié un certain nombre d’obstacles cruciaux empêchant un accès élargi aux TAR dans la région. A Conakry, en Guinée, et à Kinshasa, en République Démocratique du Congo (RDC), le personnel de santé des hôpitaux soutenus par MSF rapportent que, en raison de ces obstacles, les patients arrivent dans un état tellement avancé du VIH que 43% et 36% d’entre-eux (respectivement) meurent dans les 48 heures de leur admission. En tout, un tiers d’entre-eux mourront.

La rencontre d’aujourd’hui, à Addis Abeba, a pour objectif d’encourager l’engagement des gouvernements, des décideurs et des bailleurs de fonds pour la mise en œuvre d’un plan régional d’urgence VIH et d’accélérer le démarrage de plans nationaux dans 14 pays. MSF tient à saluer fortement le leadership essentiel d’ONUSIDA et des Etats africains dans l’initiation du plan d’accélération. L’organisation appelle les dirigeants africains à tout faire pour agir sur les facteurs susceptibles d’empêcher son entière réalisation. Ces facteurs sont multiples, comprenant à la fois des blocages légaux et politiques, des systèmes de santé centralisés, une faible chaine d’approvisionnement, ou encore des barrières financières incluant les frais de santé pour les patients et une stigmatisation très forte. MSF demande également à ce que les autres pays de la région qui font face à un écart similaire dans l’accès aux traitements soient bientôt inclus dans le plan d’accélération.

“C’est une opportunité cruciale d’inscrire les efforts des gouvernements dans un plan clairement défini et inclusif s’attaquant aux nombreux obstacles auxquels font face les personnes vivant avec le VIH, chaque jour. Chaque patient se présentant au stade avancé de la maladie dans nos structures nous renvoie à la terrible réalité de cette course d’obstacles. Nos patients nous parlent souvent de leur souffrance inimaginable pour simplement essayer d’accéder à un diagnostic et au traitement : des étagères vides, des frais de santé et des coûts de transport insurmontables, de longues files d’attente, ainsi que la stigmatisation et la discrimination auxquelles ils font face dans les structures de santé », dit Joanne Liu, Présidente de MSF International.

Les stratégies clés mises en place dans la réponse au VIH en Afrique Australe et de l’Est pendant les années 2000 soutenaient fortement une réponse d’envergure basée sur la qualité des soins pour les patients. Aujourd'hui, MSF et d’autres organisations appellent collectivement à l’élimination des frais de soins qui permettrait une rapide avancée vers le « Traiter tout le monde » (la mise sous traitement immédiate après le diagnostic) et de garder les patients en bonne santé sous traitement tout au long de leur vie. L’amélioration de la chaine d’approvisionnement et la livraison des médicaments jusqu’aux structures de santé devraient également intégrer des mécanismes de surveillance des ruptures de stocks par la société civile et les associations de patients. Atteindre un plus grande nombre de patients demandera la mise en place de la délégation des tâches, à travers laquelle des actions de bases sont transférées aux infirmiers et aux conseillers pour assurer le dépistage, la prescription et la dispensation de TAR, le conseil aux patients et la recherche des ‘perdus de vue’. Ces modèles différenciés des soins ont été pilotés avec succès par MSF à Kinshasa, en RDC, et à Zémio, en République Centrafricaine (RCA), permettant la décentralisation de services simplifiés de prise en charge du VIH au niveau des structures de santé et communautaires.

Le rôle joué par la société civile et les associations de patients dans la réponse au VIH est essentiel. MSF est témoin de la réticence des autorités sanitaires, des gouvernements et des partenaires internationaux de mise en œuvre à impliquer la société civile et les communautés dans la prestation de services, le dépistage et le soutien à l’adhérence, ainsi que dans des activités de lutte contre la stigmatisation et de surveillance des services. Les observatoires communautaires mis en place au Burkina Faso, au Cameroun et en RDC sont un exemple fort de cette fonction d’organe de surveillance. Ces entités, dont la contribution est précieuse, ont besoin de financement stable, de soutien technique, et leurs initiatives devraient être mises à l’échelle dans tous les pays de la région. 

“La société civile et les communautés de personnes vivant avec le VIH en Afrique de l’Ouest et centrale restent isolées et sous-financées, recevant peu de soutien de la société civile internationale, des gouvernements et des bailleurs de fonds. Dans les pays d’Afrique Australe et de l’Est, l’engagement des personnes vivant avec le VIH dans la réponse a contribué en général à d’énormes réalisations dans l’accélération de la couverture aux TAR, de l’accès au soutien et aux soins. Nous avons besoin de stimuler l’éducation thérapeutique du patient, ce qui lui apporte une autonomie dans la gestion de sa maladie, et d’agir également sur les attitudes stigmatisantes », dit Amanda Banda, Coordinatrice du plaidoyer VIH, MSF.  

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